Nous sommes tous des moutons

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Par Ivanhoé 

Mis en ligne le 8 février 2019

Le nom scientifique du mouton est Ovis aries,

Ceci étant spécifié, la photo ci-dessous montre un troupeau de moutons standard, comme il est possible d’en rencontrer des milliers de semblables un peu partout sur la planète :

Pour comprendre ce qu’est un mouton, il suffit d’en sélectionner un spécimen de façon aléatoire au milieu du groupe, et de l’examiner, lui, individuellement. Ce choix – tout à fait arbitraire – n’a aucune importance. Comme pour toutes les espèces animales, lorsque vous jetez votre dévolu sur un seul exemplaire de l’espèce et que vous étudiez son aspect physique et son comportement, vous pouvez ensuite extrapoler le fruit de vos conclusions à l’ensemble de l’espèce entière. Ceci est vrai pour tous les animaux de la Terre, exception faite de l’homo sapiens – et encore, comme nous le verrons plus loin.

Prenons donc un mouton au hasard, et sortons-le du lot. Tiens, celui-là, là-bas, au milieu, qui m’a l’air très bien pour la démonstration :

Il semble d’ailleurs lui-même très heureux d’avoir été choisi, non ?

Pour plus de commodités, baptisons-le d’un nom quelconque : Charlie, disons.

Charlie est donc le digne représentant de son troupeau. C’est un mammifère herbivore. Il a quatre pattes affublées de deux doigts chacune. Ses poils bouclés sont appelés laine.

À peu près tout ce qui constitue physiquement l’organisme de Charlie peut être utilisé pour le confort et pour la gastronomie de l’Homme : sa laine, sa peau, son lait et sa viande.

Ce n’est donc pas pour rien que cet animal est à ce point exploité. Il est d’ailleurs l’un des premiers animaux de toute la création à avoir été domestiqué.

Charlie est la bête d’élevage idéale. Il est tranquille. Il ne fait pas de vagues. Il ne demande rien à personne, sinon qu’on lui permette de se nourrir, et qu’on lui foute la paix le plus souvent possible. Il se contente de brouter, et il se confond dans la masse de ses semblables. Il ne crée pas de problèmes.

Il ne se rebelle en outre jamais contre celui qui lui vole constamment ses fringues sur le dos…

… et il se laisse facilement égorger et dépecer.

Il est en outre fortement grégaire. Il ne s’éloigne jamais des autres moutons. Il suit toujours un meneur sans se poser aucune question, même si celui-ci, en fait, ne s’avère souvent qu’être le premier mouton à se mettre en branle vers l’avant. Lorsque survient un danger, il déguerpit sans attendre, en suivant la meute des autres moutons et sans regarder où le précipite sa fuite.

Venons-en maintenant à un trait pas vraiment reluisant de sa personnalité : Charlie est malheureusement considéré comme un animal stupide.

Eh oui… Cette facette lui vient du fait qu’il est l’incarnation même du grégarisme ainsi que de la non-personnalité sans initiative autonome et sans opinion individuelle.

Cette réputation de stupidité est toutefois injuste, puisque beaucoup d’autres espèces animales domestiquées se comportent socialement comme le mouton – les vaches et les oies, notamment – et sans que celles-ci ne subissent notre mépris. Elle est en outre exagérée du fait qu’il a été démontré que les moutons ont un QI presque semblable à celui des porcs, et équivalent à celui des bovins.

Mais qu’à cela ne tienne : pour une raison qui émane de la nuit des temps, c’est le mouton qui a été choisi comme bouc émissaire pour symboliser la stupidité dans tout ce que ce mot a de plus absolu et de plus navrant. Et malheureusement pour Charlie, ce n’est pas demain la veille que cette réputation d’imbécilité qui lui colle à la peau disparaitra de la conscience humaine. Elle est beaucoup trop enracinée dans nos représentations mentales, et trop d’expressions et proverbes jalonnent notre vocabulaire pour qu’on réhabilite bientôt cet animal dans une plus juste perspective.   

D’autant plus que ce qualificatif de « stupide » lui a été attribué par un autre animal que nous aimons et apprécions tout particulièrement, quant à lui. Un animal se considérant d’ailleurs lui-même comme beaucoup plus intelligent – of course – que tous ses semblables. Je fais ici référence à l’homo sapiens, c’est-à-dire à l’être humain, c’est-à-dire à l’Homme.

Avant de continuer, juste une petite parenthèse… Le mot « Homme » écrit avec un grand « H » fait évidemment référence à l’être humain pris dans son ensemble, incluant tous les hommes et toutes les femmes.

Cela spécifié, c’est l’Homme, oui, donc, qui a affublé le mouton de ce terme péjoratif afin de désigner ce que la création recèle de plus stupide en son sein. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’Homme confère à certains animaux des épithètes dépréciatives. Il y a plusieurs raisons psychologiques à cette attitude. Parmi celles-ci, l’une consiste en un mécanisme de défense par lequel nous attribuons à autrui des idées, des affects qui nous appartiennent, mais que nous refusons de nous octroyer à nous-mêmes. Le mot savant pour évoquer ce concept est la « projection ».

En vertu de ce mécanisme, pour ne pas avoir à affronter ses propres tares – qui sont souvent très peu édifiantes –, l’être humain projette celles-ci sur quelqu’un d’autre. De cette façon, c’est « l’autre » qui est sanguinaire, c’est « l’autre » qui est stupide, c’est « l’autre » qui est fou… Cela le déresponsabilise. Et cela rehausse son ego.

Voilà qui est très pratique, en tout cas, pour éviter de se regarder en face.

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Venons-en maintenant à lui : à l’Homme lui-même…

La photo ci-dessous montre un troupeau d’êtres humains standard, comme il est possible d’en voir des milliers de semblables un peu partout sur la planète :

Pour comprendre ce qu’est l’espèce homo sapiens, il ne suffit cependant pas ici, comme pour les autres animaux, d’en sélectionner un spécimen aléatoirement au milieu du groupe, et de l’examiner, lui, individuellement. Ce choix tout à fait arbitraire ne réussirait aucunement à décrire tout le reste de ses congénères.

Toutefois…

Toutefois, pour le comportement que nous voulons mettre ici en lumière, il est tout à fait permis d’en extraire un exemplaire, d’étudier ce comportement sur ce spécimen, pour ensuite extrapoler le fruit de ses conclusions à l’ensemble de l’espèce.

Ce comportement est celui dont il est question depuis tout à l’heure. Celui-là même qui a été accolé au pauvre mouton par l’Homme pour ne pas se regarder lui-même en face.

Alors, n’hésitons plus : prenons un être humain au hasard dans cette foule, et sortons-le du lot. Tiens, celui-là, là-bas, au milieu, qui m’a l’air très bien pour la démonstration :

Il semble d’ailleurs lui-même heureux d’avoir été choisi, non ?

Pour plus de commodités, baptisons-le d’un nom quelconque : Charlie, disons, lui aussi.

Et maintenant, rappelons-nous les raisons pour lesquelles l’humain considère les moutons comme étant des animaux stupides. Et comparons ce Charlie Homme au Charlie mouton…

De ce point de vue, quelle est la différence entre les deux Charlie ? Vous conviendrez qu’ils sont parfaitement interchangeables.

Tous les Hommes sont des moutons.

Peu importe dans quel troupeau ils se trouvent, ils se conforment invariablement aux autres moutons qui les entourent. Peu importe leur situation personnelle. Peu importe quelles professions ils occupent. Peu importe à quelles activités ils s’adonnent. Peu importe qu’ils soient mariés ou célibataires, qu’ils aient des enfants, qu’ils soient riches ou pauvres. Peu importe – en plus – qu’ils soient des moutons atypiques : leaders, intellectuels,  exploiteurs d’autres moutons ou rebelles.

Lorsqu'ils sont admis au sein d'un troupeau, ils vont désormais là où les autres vont.

Ci-dessous, une courte vidéo réalisée par un extraterrestre en visite sur la Terre et qui ne manque pas de s’étonner devant le comportement de l’espèce mouton

 Crédit : Mouton lucide

(sa chaine YouTube : cliquez ici)