Nous sommes tous des moutons

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Les moutons contre-culturels

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Au cours des années, l’on voit régulièrement apparaitre des groupes de moutons noirs qui se rebellent contre les bien-pensants de la société capitaliste et qui tentent de s’extirper de ce moule. Lorsqu’ils prennent de l’envergure, on les appelle les « mouvements contre-culturels ». Mais tous moutons noirs soient-ils, ils n’en demeurent pas moins des moutons quand même.

 

par Ivanhoé

mis en ligne le 28 juillet 2019

 

La grande masse de la population est composée de moutons désespérément lambda : hommes et femmes ordinaires, couples banals, jeunes ou vieux, traditionnels, bien-pensants, cheminement école-profession-mariage-maison/condo-enfants-confort-retraite… Ils ne se démarquent à peu près en rien. Ils vont dans la vie en pensant comme tout le monde, en se creusant une petite niche et en demandant seulement qu’on les laisse brouter en paix dans leur coin. On les rencontre sur la rue et on ne les aperçoit pas. Ils ne font pas tourner les têtes. Ils s’habillent de façon très anonyme. Lorsqu’ils sont jeunes, ils suivent les modes vestimentaires que les périodes imposent – cette tendance s’émoussant avec le temps. Ils écoutent à peu près tous le même genre de musique, les mêmes émissions de télé, lisent les mêmes bouquins, prennent connaissance des mêmes faits divers dans les journaux, assistent aux mêmes spectacles. Ils se comportent en citoyens silencieux et dociles. Physiquement, ils ressemblent à ceux-ci :

 

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C’est la race de moutons la plus répandue sur la Terre – et particulièrement dans les pays occidentaux. Ils sont si nombreux que leurs goûts et leurs habitudes de consommation forment à eux seuls ce que l’on appelle « la » culture dominante de leur époque.

 

Et de par notre comportement mouton intrinsèque, il est extrêmement difficile pour d’aucuns de s’extirper de ce moule. Surtout si nous naissons et grandissons dedans.

 

Certains s’insurgent pourtant...

 

Ceux-ci, en effet – surtout des jeunes –, finissent quelquefois par ne plus se reconnaitre dans ce modèle-mouton de base décrit plus haut. Et non seulement ne s’y reconnaissent-ils plus, mais tiennent-ils absolument – en plus – à le rejeter en bloc et à s’en démarquer résolument en adoptant un style propre à leur génération ou à leur propre vision du monde.

 

Ce sont des moutons rebelles. Des moutons qui en ont marre. Des moutons qui se révoltent contre cet état des choses. Des moutons qui provoquent, à tout le moins. Et ils ont tendance à se rassembler avec d’autres moutons qui pensent comme eux – l’instinct grégaire, toujours – et à manifester leur mécontentement, et à essayer d’imposer leur façon de voir personnelle à la grande masse des moutons lambda.

 

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On appelle ce phénomène « contre-culture ».

 

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La contre-culture est un terme un peu galvaudé, en fait. Mais pour les besoins de la cause, retenons ici la définition qui a cours le plus fréquemment : la contre-culture est simplement un système de pensée adoptée par plusieurs personnes et qui va à l’encontre de la culture dominante – celle de la majorité. Il existe de ce fait plusieurs formes de contre-cultures : la socio-idéologique, qui remet en question les normes sociales d’une communauté ; la politique qui se révolte contre les façons de gouverner ; l’artistique qui se bat contre les courants culturels orthodoxes (peinture, littérature, musique, etc.)…

 

Le premier phénomène contre-culturel d’envergure survenu après la Deuxième Guerre mondiale a sûrement été celui des « hippies » dans les années 1960 aux États-Unis.

 

Certaines personnes – issus pour la plupart des enfants des baby-boomers de l’après-guerre – ont tout à coup rejeté les valeurs traditionnelles et le mode de vie qui prévalaient alors, ainsi que la société de consommation en général. Ils se sont donné le nom de « hippies ».

 

Les hippies désiraient créer un nouveau monde en s’ouvrant à d’autres cultures, en s’émancipant complètement, en prônant la non-violence et l’amour libre, en recherchant différentes perceptions sensorielles – par l’usage de drogues, notamment –, et en établissant des rapports humains plus authentiques… Ils ont adopté une tenue vestimentaire particulière et ont révolutionné les arts (en particulier dans le domaine musical).

 

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Les hippies étaient évidemment considérés comme des marginaux par le reste de la société – par leurs parents, surtout !

 

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C’étaient de véritables moutons noirs par rapport à la mentalité de l’époque. Ils étaient facilement reconnaissables visuellement grâce à leur tenue vestimentaire et à leur look général. Ainsi, leurs fringues – lorsqu’ils en portaient ! – étaient de couleurs voyantes, de style oriental, et faits de lin et de coton ; leurs pantalons étaient souvent à « pattes d’éléphant » ; ils se décoraient de bandeaux, de bracelets et de colliers de pacotille ; ils se recouvraient de fleurs et de coquillages ; ils allaient pieds nus ou en sandales ou en simples mocassins de daim ; leurs cheveux étaient longs et défaits.

 

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Les hippies n’ont pas été le seul mouvement contre-culturel à s’opposer à la société capitaliste dans laquelle déambulent si allègrement tous les moutons de base lambda du monde entier. En fait, au cours des cinquante dernières années, de multiples autres courants ont vu le jour : les punks et les skinheads, par exemple.

 

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             Punks                                               Skinheads

 

J’ai volontairement fait allusion à ceux-ci du fait qu’ils ont sans doute fait partie des mouvements les plus « durs » envers la société en ce qu’ils l’ont directement provoquée et affrontée avec violence pendant quelques années.

 

Une foule d’autres mouvements contre-culturels ont cependant et également vu le jour, mais de façon beaucoup plus modérée quant à eux. Parmi les plus connus, mentionnons, disons, les Rockers, les Hip hop, les Gothiques, qui (comme les Punks) sont issus, à la base, d’une nouvelle conception musicale.

 

À cette énumération s’ajoutent finalement des mouvements qui ne sont presque exclusivement que des modes contre-culturelles « inventées » par des influenceurs (des vedettes pour la plupart) et qui ne sont de ce fait aucunement une menace pour la grande communauté des humains. Au contraire : leurs adeptes profitent habituellement et très allègrement de la société de consommation qu’ils ne condamnent aucunement – ou qu’ils condamnent pour la forme. En fait, ils désirent surtout se montrer des moutons originaux, excentriques, et au-dessus de la masse – de la populace. En ce sens, les Bobos et les Hipsters remportent à mon avis la palme de ce snobisme social.

 

Le but de cet article n’est pas de dresser les caractéristiques qui différencient tous ces regroupements de mouvements contre-culturels (cela sera fait une autre fois), mais plutôt de mettre leur dénominateur commun bien en évidence. Car celui-ci existe bel et bien.

 

En fait, que l’on parle de la société traditionnelle ou de tous les mouvements contre-culturels qui lui sont opposés, nous avons finalement affaire – encore et toujours – à de vulgaires troupeaux de moutons

 

L’espèce « mouton » réelle (Ovis Aries) comprend plus de 200 races à travers le monde, répertoriées en tenant compte de leurs physiques plus ou différents. Voyez quelques exemples dans la planche ci-dessous :

 

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De la même façon, au sein de l’espèce homo sapiens, il existe des « races » différentes ; ce mot n’étant pas pris ici, bien sûr, dans son sens habituel (races caucasoïde, mongoloïde, congoïde…), mais bien dans celui de « styles », de « look ». Quelques exemples :

 

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Ce qui les différencie les uns des autres – et ce qui les différencie des moutons lambda – sont : 1) leurs centres d’intérêt spécifiques ; 2) leurs apparences physiques (vêtements, coiffures et maquillages) ; 3) leur culture (musique, littérature, peinture…) ; et 4) leurs façons d’interagir avec la société qui les entoure.

 

Mais ce qui réunit tout ce beau monde malgré tout, c’est le fait qu’ils sont tous de bons vieux moutons de base, et qu’ils continuent de se comporter comme tels :

 

- ils sont grégaires ; ils s’assemblent entre eux et sont solidaires les uns aux autres ;

- ils se confondent avec la masse de leurs confrères ; chaque mouton du groupe ne se démarque en rien de ses semblables ; ils s’habillent tous de la même manière ; ils écoutent tous la même musique, lisent les mêmes livres et assistent aux mêmes spectacles ; et ils vont et viennent selon le même code qui les unit ;

- ils craignent d’être bannis de leurs groupes ; ils se comportent donc docilement entre eux pour éviter que ce risque ne se concrétise ;

- ils critiquent tous les moutons qui sont extérieurs à leurs groupes ;

- ils expulsent les membres de leurs propres groupes qui ne se conforment plus à leurs codes de conduite ;

- ils se font manipuler par les leaders de leurs groupes ; ils vont dans le sens qu’on leur dit d’aller.

 

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Pour terminer, mentionnons une dernière particularité à propos de toutes ces races de moutons-humains. La race dominante, c’est-à-dire la « traditionnelle », celle des straights, celle qui est soumise au système capitaliste et qui ne s’en plaint jamais, celle que toutes les autres affirment vouloir détruire via une variété infinie de contre-cultures, eh bien, c’est toujours celle-là qui finit très souvent par absorber (phagocyter) toutes les autres au fur et à mesure que le temps passe.

 

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Cela est survenu avec le mouvement hippie, par exemple, qui a presque totalement disparu de la carte au bout de même pas une génération. Cela s’est également produit avec bon nombre d’adeptes du mouvement punk. À cet égard, certains enfants seraient surpris de voir des photos de leurs parents et leurs grands-parents lorsqu’ils avaient vingt ans et en les comparant avec ce qu’ils ont maintenant devant leurs propres yeux.

 

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Ce qui reste peut-être le plus frustrant dans toute cette histoire [le mouvement hippie] c’est que les mêmes jeunes qui protestaient contre la surconsommation en 1967 se retrouvent aujourd’hui dans les bureaux de Wall Street. La plupart des hippies finirent par abandonner leur envie de régénérer le « vieux monde » et se rangèrent dès la fin des années 1970 et le courant des années 1980. La trentaine venue, ils trouvent du travail, fondent une famille et s’intègrent dans la société de consommation qu’ils dénonçaient auparavant. Une étude américaine estimait que 40 % des hippies californiens s’étaient rangés, moins de 30 % restant « en marge ». Jerry Rubin, devenu un des premiers actionnaires d’Apple, déclarait en 1985 : « Non, je ne lutte plus contre l’État. Ce n’est plus la peine, ce n’est plus le bon combat… La meilleure, la seule façon aujourd’hui de combattre l’État, c’est de le remplacer. Et nous sommes assez nombreux pour le faire. » (site Hippies&Consommation; – mars 2010)

 

On appelle ce phénomène : « rentrer dans le rang ». Et cela se répète sans cesse depuis la nuit des temps.

 

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 Qu’est devenu le mouvement hippie cinquante ans plus tard ? Résiste-t-il encore et toujours à l’envahisseur ? Heu…

Il s’est apparemment fractionné en de multiples sous-mouvements : parmi ceux-ci, mentionnons rapidement celui des bobos (bourgeois bohèmes) des écologistes, des pacifistes, des bouddhistes, des adeptes de Nouvel-Âge, des producteurs légaux de cannabis et de réseaux sociaux technologiques (des businessmen, en somme), et de quelques autres.

Une particularité les rassemble tous : ils se sont finalement très bien intégrés dans le système (capitaliste) qu’ils combattaient à leurs débuts. Pour dire les choses comme elles sont : ils se sont embourgeoisés.

 

 

 



28/07/2019
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